Le captage et la séquestration de carbone : ce qu’il faut savoir en 8 questions
Publié le 14 octobre 2024
8 minutes
Le captage et la séquestration de carbone (CCS) est l’une des solutions technologiques les plus efficaces pour réduire les émissions de CO2 à court et moyen termes, afin de répondre à l’urgence climatique. Pourtant, le CCS reste peu répandu et peut susciter des débats et des questions. De quoi parle-t-on exactement ? Comment fonctionne le CCS et à quoi sert-il ? Quel rôle Air Liquide joue-t-il dans son développement ? Quel est son coût ? Retarde-t-il la transition vers les énergies renouvelables ? Des questions auxquelles nous apportons des éléments de réponse et qui permettent d’en savoir un peu plus sur cette nouvelle solution.
1. Le CCS, qu’est-ce que cela signifie ?
“CCS” signifie “carbon capture and sequestration” (“captage et séquestration du carbone” en français). Il s’agit d’une solution technologique et logistique proposée notamment aux industries fortement émettrices de CO2. Elle couvre plusieurs étapes, du captage à la séquestration du carbone, en passant par son transport.
2. Le CCS, comment ça fonctionne ?
Le CCS est un processus qui comprend plusieurs étapes :
- le CO2 contenu dans les gaz de combustion ou les gaz de procédé est d’abord capté puis purifié dès le processus de production d’une unité industrielle ;
- il est ensuite conditionné en vue de son transport : il est soit liquéfié, dans le cas d’un transport par bateau, soit compressé pour un transport par canalisation ;
- enfin, le CO2 peut être transporté pour être séquestré de manière permanente dans un champ d’enfouissement, c’est-à-dire un puits de carbone on-shore ou off-shore1 ;
- Le CO2 peut également être valorisé comme matière première par différents secteurs tels que l’agroalimentaire (carbonatation des boissons, congélation des denrées alimentaires, production agricole sous serre, …), l'électronique ou l'industrie pharmaceutique.
Air Liquide propose une solution étendue allant du captage du carbone —, utilisant notamment la cryogénie avec sa technologie propriétaire innovante CryocapTM, au transport jusqu’au site de séquestration du CO2, en passant par la liquéfaction ou encore le stockage temporaire. Pour développer une chaîne de CCS, le Groupe associe son expertise du CO2 et de ses technologies à celle d’autres acteurs économiques majeurs qui maîtrisent le transport maritime ou le stockage géologique.
À noter qu’il existe d’autres méthodes de captage des émissions de CO2 comme le DAC (“Direct Air Capture”) qui consiste à capter le CO2 directement depuis l'air ambiant, indépendamment de sources d'émissions industrielles. Cependant plus une source est riche en CO2, plus il est facile de le capter, or le CO2 présent dans l’air est extrêmement dilué demandant un processus de captage très énergivore. En comparaison, le BECCS (Biomass Energy with Carbon Capture and Storage) combine l'utilisation de la biomasse comme source d'énergie pour la production d'électricité et de chaleur, avec le captage et la séquestration du dioxyde de carbone. Les émissions d’unités de bio-énergie étant concentrées, elles constituent une source bien plus pertinente à décarboner que l'air ambiant.
3. Le recours au CCS ne retarde-t-il pas la transition vers les énergies renouvelables ou bas carbone ?
Le CCS est une solution disponible et activable rapidement pour limiter les émissions de CO2 et réussir la transition vers une industrie bas carbone. Elle est particulièrement adaptée pour décarboner les secteurs les plus émetteurs et dépourvus d’alternatives2 (sans possibilité d'électrification par exemple) comme les industries du ciment, de l’acier ou de la chimie.
Le CCS constitue une solution incontournable dans la lutte contre le changement climatique comme le confirme le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) dans ses rapports (en anglais). L’Agence internationale de l’énergie estime, quant à elle, que cette technologie pourrait représenter 15 % des efforts de réduction des émissions de CO2 à l’échelle de la planète. Elle doit donc être utilisée en complément des autres solutions existantes qui permettront de réussir la transition énergétique : la sobriété, l’efficacité énergétique, le recours aux énergies renouvelables et bas carbone, l’électrification des procédés, etc.
4. Quelle est la position d’Air Liquide sur le CCS ?
Fort de sa capacité d'innovation, Air Liquide développe des solutions technologiques pour lutter contre le réchauffement climatique. Le Groupe a développé une solution cryogénique pour le captage du carbone depuis 2006. Cette solution, CryocapTM, est exploitée avec succès à Port-Jérôme en Normandie depuis 2015. Le Groupe est convaincu de la pertinence de cette solution pour accompagner les industriels dans leur démarche de décarbonation, et l’utilise d’ailleurs pour décarboner ses unités existantes de production d’hydrogène par vaporeformage.
Air Liquide s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Dans ce cadre, le Groupe vise une réduction de 33% de ses émissions de CO2 (scope 1 et 2) d’ici 2035. Le CCS fait partie des solutions auxquelles il a recours pour réduire son empreinte carbone, aux côtés d’autres solutions comme, par exemple, un recours accru aux énergies renouvelables et bas carbone.
Air Liquide s’engage à décarboner ses actifs tout en aidant ses clients à réduire leur l’empreinte carbone. Avec sa technologie CryocapTM, notamment, il participe, aux côtés d’autres entreprises, à plusieurs projets de CCS dans des bassins industriels clés du nord de la France et du Benelux. Parmi ces derniers, on retrouve Porthos, dans le port de Rotterdam, en cours de construction et dont la mise en service est prévue en 2026, Kairos@C, en Belgique et K6 dans le bassin industriel de Dunkerque. Air Liquide développe également des projets de CCS aux Etats-Unis et en Asie.
Pour atteindre ces ambitions et pour répondre aux défis techniques, réglementaires et économiques autour de cette solution, le Groupe est convaincu qu’il faut adopter une approche en écosystème, condition de réussite qui va permettre de développer les projets CCS dans le monde. Réunir différents acteurs du secteur est donc une priorité pour Air Liquide. Cela permettra de concevoir des solutions adaptées et de promouvoir des programmes de CCS à grande échelle dans les bassins industriels les plus stratégiques.
5. Cryocap™, qu’est-ce que c’est ?
CryocapTM est une solution développée par Air Liquide pour le CCS. Elle permet le captage du CO2 grâce à des technologies de pointe tout en offrant plusieurs avantages :
- CryocapTM utilise un procédé cryogénique —domaine d’expertise du Groupe— qui assure fiabilité et adaptabilité ;
- très efficace et fonctionnant à l’électricité, la solution est une alternative à l’utilisation d’amines qui requiert de grandes quantités de vapeur ;
- de plus, CryocapTM fonctionne sans produits chimiques.
Installée depuis 2015 sur l’unité de production d’hydrogène du Groupe à Port-Jérôme en Normandie, cette solution permet de capter de manière efficace jusqu’à 98 % des émissions de CO2.
Il existe plusieurs configurations de la gamme CryocapTM pour s’adapter aux différentes sources d'émissions. Grâce à CryocapTM et sa longue expérience des gaz industriels, Air Liquide est un acteur de premier plan sur le marché du CCS.
6. Comment développer l’usage du CCS tout en s’assurant de sa viabilité économique ?
Si aucune technologie n’est, à elle seule, la solution miracle, le CCS est une technologie essentielle pour limiter le réchauffement à 1,5 °C ou à 2 °C d’ici 2100. Les rapports (en anglais) du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) ou de l’Agence internationale de l'Énergie abondent en ce sens. Pour soutenir la transition énergétique et rendre possible l’objectif de neutralité carbone, le CCS est une technologie utilisable dès à présent et pertinente pour capter les grands volumes de CO2 émis par les industriels.
Aujourd’hui, l’intérêt pour le CCS est en plein essor, les infrastructures se développent et la réglementation sur la séquestration évolue pour donner un cadre plus clair.
Mais le CCS reste une solution encore largement méconnue du public, dont la mise en œuvre nécessite de rassurer quant à ses avantages et son impact environnemental. Les potentiels risques inhérents à cette technologie sont par ailleurs bien maîtrisés. Un effort pédagogique est à mener pour expliquer son importance dans l'accélération de la transition énergétique.
Enfin, mettre en place un projet de CCS entraîne souvent un coût supplémentaire pour l’industriel qui souhaite décarboner sa production. Les subventions d’une part et l’augmentation des taxes carbone d’autre part sont donc indispensables au développement des projets CCS. Mais la multiplicité des projets permettra de réaliser des économies d'échelle, en particulier dans les grands bassins industriels et ainsi de contribuer à réduire l’écart entre le coût du CCS et celui de la taxe carbone.
7. Est-ce que le CCS est une option réaliste au regard des émissions mondiales ?
Le CCS est une solution efficace et utilisable dès à présent pour capter de grands volumes de CO2 émis par les industriels. D'après les rapports du GIEC, le CCS a un rôle crucial à jouer dans les scénarios visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C ou 2°C, mais son succès dépendra de son intégration avec d'autres solutions, de la capacité à mobiliser les politiques et à surmonter les défis techniques et économiques.
Air Liquide développe déjà des projets de CCS concrets en Europe dans les principaux bassins industriels où le Groupe est implanté. Par exemple, le projet Porthos à Rotterdam est actuellement en construction et devrait être opérationnel en 2026. Des projets majeurs sont également en cours d’étude en Amérique du Nord et en Asie. Les opportunités de stockages géologiques dans le monde sont importantes et ne constituent donc pas un blocage.
8. Quelle est la différence entre valorisation du CO₂ et séquestration du CO₂ ?
Une partie du CO2 capté peut aussi être, une fois purifié, commercialisé pour des clients qui l'utilisent dans leurs procédés (surgélation, carbonatation de boissons gazeuses, traitements des eaux, culture sous serre, etc.). On parle alors de valorisation du CO2. En effet, ce gaz possède des propriétés physiques et chimiques répondant aux besoins de nombreux secteurs industriels. Néanmoins, les besoins industriels sur ce marché sont très inférieurs aux grandes quantités de dioxyde de carbone émises dans le monde. Au regard des volumes en jeu, la valorisation du CO2 est donc un levier modeste et la séquestration géologique du carbone apparaît comme une solution efficace et rapide à mettre en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le changement climatique.