Aller au contenu principal

Transition énergétique : accélérer la transformation des usages et des modes de production

Publié le 20 avril 2023

4 minutes

Directeur du Centre « énergie et climat » de l’Institut français des relations internationales (IFRI), Marc-Antoine Eyl-Mazzega livre sa vision de la transition écologique et des technologies qui doivent favoriser l’évolution vers une économie bas carbone.

Difficultés dans l’approvisionnement des hydrocarbures, hausse des prix de l’énergie... les bouleversements géopolitiques et économiques de 2022 ont fragilisé l’Union européenne. Pour autant, cette situation est en passe d'accélérer la transformation des usages et des modes de production, en favorisant les technologies bas carbone. Elle a aussi provoqué un sursaut historique des politiques publiques. Cette dynamique est d’ailleurs globale : aux États-Unis, par exemple, l’Inflation Reduction Act(1) favorise désormais l’investissement des entreprises dans les énergies vertes.

Marc-Antoine Eyl-Mazzega

L’Union européenne pourra-t-elle atteindre la neutralité carbone en 2050, tout en sécurisant ses besoins énergétiques actuels ?

Sans doute, même si depuis 2022 la question est devenue plus complexe et coûteuse, avec l'enchaînement de chocs géopolitiques et économiques. L’Union européenne fait face à un choc des approvisionnements en hydrocarbures suite au découplage brutal avec la Russie et à l’explosion des coûts d’importation. Cela a rendu d’autant plus prégnants les enjeux liés à la transition énergétique, qu’il s’agisse du développement des énergies renouvelables, des solutions de flexibilité et de stockage , de l’accès aux ressources nécessaires aux nouvelles filières de l’hydrogène décarboné et des mobilités électriques…

En contrepartie, ces chocs ont eu des effets positifs en renforçant l’urgence d'accélérer la décarbonation et en provoquant un sursaut historique des politiques publiques nationales et européennes. D’une part, ils ont mobilisé et rassemblé toutes les parties-prenantes en Europe, des gouvernements aux entreprises, en passant par les consommateurs. D’autre part, ils sont sur le point de changer durablement les modes de production et les usages, et favorisent les technologies bas carbone.

Qu’en est-il de l’évolution des technologies et des filières ?

La réduction des émissions de CO₂ passe d’abord par la baisse de la demande, la décarbonation de la production d’électricité, l’électrification des usages et l’insertion progressive de l’hydrogène bas carbone là où cela fait sens... Plus d’une trentaine d’États dans le monde, dont la France, ont fait de ce dernier un vecteur clé de leurs plans de relance industriels. L’hydrogène et ses produits dérivés joueront  un rôle fondamental dans la décarbonation de l’acier, les mobilités aériennes et maritimes, certains transports publics, la flexibilité du système électrique, la pétrochimie ou encore les engrais… Le recours à l’hydrogène bas carbone se développera progressivement, à la fois grâce à la production par électrolyse – la puissance des électrolyseurs est par ailleurs en train de changer d'échelle pour atteindre plusieurs dizaines de mégawatts –, mais aussi via la production à partir de matières premières telles que le biométhane. Pour être efficace, la décarbonation nécessitera de privilégier l’hydrogène bas carbone de toutes les origines, y compris le gaz naturel et le nucléaire.

Quant aux filières dont les émissions sont difficiles à réduire, telles que le ciment, l’acier et la chimie, les technologies de capture, stockage, de réutilisation et d’enfouissement du carbone (CCUS) sont également très prometteuses. 

Quels rôles les pouvoirs publics et les entreprises ont-elles à jouer dans ce cadre ? 

Leurs synergies sont essentielles afin de rendre l’ensemble de la chaîne de valeur bas carbone viable et efficace, au travers de partenariats privé-public, de fonds d’innovation et des projets d’intérêt commun, et avant tout, d’objectifs clairs et de politiques incitatives et prévisibles.

Industriels et pouvoirs publics travaillent déjà ensemble dans des bassins d’emploi, en soutenant le développement de centres de recherche et de sites dédiés à l’hydrogène décarboné, aux batteries électriques, aux mobilités écologiques, à l’éco-conception et l’éco-production… C’est déjà le cas en France, dans plusieurs régions (Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Normandie), mais aussi aux Pays-Bas, en Belgique… En augmentant ses capacités dans les énergies et les filières décarbonées, l’Union européenne renforcera son autonomie, tout en représentant un modèle vertueux pour le reste de l’économie mondiale.

Ailleurs dans le monde, la même dynamique est là. Aux États-Unis, l’entrée en vigueur de la loi Inflation Reduction Act offre déjà de nouvelles perspectives et favorise l’investissement des entreprises dans les énergies vertes et les modes de production bas carbone.

(1) Loi américaine sur la réduction de l’inflation, en vigueur depuis le 1er janvier 2023, qui doit permettre une réduction du déficit pour lutter contre l’inflation, tout en répondant au défi du changement climatique et en renforçant le système de sécurité sociale.