Hydrogène : un partenariat innovant pour développer le stockage souterrain
Publié le 25 juin 2024
5 minutes
Air Liquide collabore depuis 2023 avec Geostock, un groupe d’ingénierie international, filiale du groupe VINCI, spécialisé dans le stockage souterrain d’énergie. Un partenariat né de la volonté des deux entreprises de développer une technologie pour stocker l’hydrogène gazeux en grandes quantités. Une ambition favorisée par deux expertises complémentaires. Explications !
L’enjeu du partenariat entre Geostock et Air Liquide est de taille : contribuer à la décarbonation notamment de l’industrie et de la mobilité. L’utilisation de l'hydrogène est une des solutions. Il devient alors nécessaire de développer la chaîne logistique associée à cette molécule, et, en particulier, son stockage.
En effet, un moyen pour décarboner consiste à remplacer les énergies fossiles par des énergies décarbonées. Plusieurs solutions sont possibles telle que la production d’énergie renouvelable qui sera consommée mais qui devra également être stockée en batterie ou de façon bien plus massive en produisant des intermédiaires énergétiques pouvant être stockés, tel que l’hydrogène. Cet hydrogène pourra être utilisé directement, comme un vecteur d’énergie ou jouer ce rôle d’intermédiaire de stockage avant d’être réutilisé pour de la production d’électricité via des turbines à gaz (Power to Power).
Une solution clé : le stockage souterrain ou géologique, comme l’explique Jean-Claude Joyeux, Directeur Développement de solutions Hydrogène chez Air Liquide : « Aujourd’hui, l’hydrogène est stocké en surface, sous forme liquide ou gazeuse, en quantités limitées. Aujourd’hui, on stocke environ 150 tonnes d’hydrogène par site et cela peut monter jusqu’à 300 tonnes pour de l'hydrogène gazeux. Lorsque la production d’hydrogène augmentera, il faudra stocker en différents points de la planète des quantités considérables, des milliers, voire des millions de tonnes. Si le stockage devait s’envisager en surface, ce serait au détriment d’espaces agricoles, urbains ou industriels. Le stockage souterrain est donc la meilleure option ». Elodie Zausa, Responsable du développement et des ventes chez Geostock, confirme : « Une solution souterraine permet de stocker des quantités très massives d’hydrogène. Par exemple, une cavité minée revêtue, c’est-à-dire une galerie excavée par l’Homme dans la roche naturelle puis revêtue, peut contenir de 200 à 1 000 tonnes d’hydrogène, entre 5 et 10 000 tonnes peuvent être stockées dans une cavité saline et au-delà en milieu poreux, sachant qu’un même site peut contenir plusieurs cavités en fonction de la géologie, qui déterminera également la technique à utiliser. »
Stocker l’hydrogène en cavités minées revêtues
Il existe, en effet, plusieurs types de stockages souterrains d’énergie : les cavités salines, les cavités minées, les milieux poreux (champs d’hydrocarbures déplétés (épuisés) ou aquifères). L’hydrogène est déjà stocké en cavité saline et Air Liquide opère une de ces cavités aux États-Unis depuis 2017. « La cavité saline est la solution à considérer, la technologie étant la plus éprouvée et économique, explique Elodie Zausa. Nous la privilégions lorsque cela est possible, mais elle suppose la présence d’une formation de sel, ce qui n’est pas le cas sur tous les territoires. Elle est créée par lessivage d’une couche de sel (injection d’eau via un forage, dans la formation de sel pour le dissoudre et obtenir une cavité). Elle est généralement située entre 500 et 2 000 mètres de profondeur et peut atteindre un volume de plusieurs centaines de milliers de mètres cubes. »
Pour faire face à l’augmentation des besoins de stockage d’hydrogène, d’autres solutions doivent être étudiées. Le partenariat entre Geostock et Air Liquide porte sur le stockage en cavités minées revêtues, une solution technologique à considérer pour les zones dépourvues de sel.
Elodie Zausa précise « Pour pouvoir stocker l’hydrogène gazeux en grande quantité, il faut pouvoir le stocker à des pressions élevées. Or, en cavité minée, dont la profondeur n’est que de quelques dizaines de mètres, les pressions maximales acceptables sont de quelques bars (confinement hydrodynamique). Il est alors nécessaire d’apposer un revêtement appelé “liner” afin de garantir l’étanchéité du stockage. La résistance à la pression est quant à elle apportée par la nature même de la roche (dureté, etc.). Les roches dures granitiques ou calcaires seront à privilégier pour permettre d’atteindre des pressions de l’ordre de 150 à 200 bars et plus. Jean-Claude Joyeux détaille : « Après l’excavation du rocher, une couche de béton est posée pour lisser la roche et permettre la pose du liner, qui assurera l’étanchéité de la cavité. Notre partenariat consiste à allier le savoir-faire de Geostock dans le stockage souterrain et l’expertise d’Air Liquide sur un panel de matériaux compatibles avec l’hydrogène. »
Une solution sûre et innovante
Les avantages du stockage souterrain sont nombreux, à commencer par la faible empreinte au sol et les économies d’échelle possibles. La sécurité des opérations est aussi un véritable atout, les risques étant minimes, comme l’assure Jean-Claude Joyeux : « L’hydrogène est le gaz le plus léger de l’univers. Pour l’exploiter efficacement, il convient de le liquéfier ou de le comprimer. Stocké dans une cavité à 200 mètres de profondeur, le seul inconvénient notable consisterait en une éventuelle perte de confinement ».
Autre avantage, la localisation. « Il est possible d’installer des stockages souterrains presque partout, indique Elodie Zausa. À défaut de présence de formation de sel, l’alternative à envisager est le milieu poreux ou la cavité minée revêtue, pour stocker des quantités massives d’hydrogène. »
De nombreux avantages, un seul inconvénient toutefois : le volume de roche à recycler généré par les excavations. Ce que tempère Elodie Zausa : « Selon les localisations, nous avons déjà des clients intéressés par ces roches, pour construire des routes, renforcer des digues, etc. ! »
Plusieurs projets sont actuellement analysés et un premier devrait se concrétiser en 2026. Une fois la phase d’études et d’autorisations passée, il faudra compter trois à quatre années pour construire l’ouvrage. La finalité de ce partenariat pour Air Liquide est d’avoir accès à une solution de stockage massif pour l’hydrogène et une alternative au stockage salin.
« Nous partageons les risques techniques et financiers pour le développement de cette technologie. Avec cette collaboration, nous avons l’ambition d’aller plus vite et plus loin ensemble, d’optimiser les coûts et de rendre cette technologie accessible au plus tôt », conclut Elodie Zausa.
Dans les années à venir, le développement de ces nouveaux moyens de stockage va s’avérer de plus en plus crucial du fait de la demande croissante en hydrogène. Pour contribuer à y faire face, Air Liquide prévoit d’augmenter ses capacités de production pour atteindre 3 GW d’ici 2030.