Global Hydrogen Mobility Alliance : Air Liquide rejoint un partenariat stratégique en Europe
Publié le 02 juillet 2025
4 minutes
Air Liquide a rejoint la nouvelle Global Hydrogen Mobility Alliance1, une coalition de leaders industriels regroupant des équipementiers, des fournisseurs automobiles et technologiques, des acteurs de l'énergie et de la chimie. L'Alliance appelle à accélérer le développement de la mobilité hydrogène afin de garantir la compétitivité et la durabilité de l’industrie européenne. Pour mieux comprendre cette initiative, Erwin Penfornis, Directeur de la branche Hydrogène Énergie d'Air Liquide, répond à nos questions.
Pourquoi créer la Global Hydrogen Mobility Alliance ?
L'Europe est à la croisée des chemins en ce qui concerne son avenir industriel et sa résilience énergétique. En tant qu'entreprise avec plus de 60 ans d'expertise dans le domaine de l'hydrogène, il est de la responsabilité d'Air Liquide de contribuer à l'élaboration d'une voie claire pour l'avenir de cette filière. Nous avons formé cette alliance pour plaider en faveur d'une stratégie de décarbonation diversifiée. Bien que les batteries soient essentielles, l'Europe ne pourra atteindre ses objectifs stratégiques (souveraineté, réindustrialisation, transition énergétique) à long terme que si la mobilité hydrogène joue un rôle important en complément des véhicules à batteries. Il faut maintenant passer à la mise en place de mesures décisives.
Qu’apporte la mobilité hydrogène de plus que les batteries électriques ?
Elle permet de gagner en résilience, en compétitivité et en efficacité systémique. Tout d'abord, elle nécessite beaucoup moins d'investissements dans les infrastructures. Deuxièmement, l'électrification complète du parc automobile européen, en particulier des véhicules lourds, surchargerait les réseaux. Le stockage d'hydrogène peut contribuer à maintenir leur stabilité. En outre, l'hydrogène peut aider à résoudre le problème croissant de la fluctuation des énergies renouvelables, car il permet de stocker et d'utiliser l'énergie qui serait autrement gaspillée. Troisièmement, les véhicules à hydrogène offrent une autonomie comparable à celle du diesel, avec des temps de ravitaillement rapides (15 minutes pour 600+ km contre 45 minutes pour 400 km pour un véhicule à batterie), et un poids plus léger qui permet d'augmenter la charge utile. Ces avantages rendent l'hydrogène indispensable pour les transports lourds et longue distance difficiles à décarboner.
Pourquoi cette technologie n’est-elle pas encore largement adoptée ?
La technologie est prête : elle est mûre, sûre et fiable. Cependant, pour les opérateurs de transport commercial, dont les marges sont étroites, le coût global de possession² est le facteur décisif. Le prix actuel de l'hydrogène à la pompe doit être optimisé, les véhicules sont encore chers en raison de l'absence de production de masse, et le réseau de ravitaillement doit encore se densifier. Il est donc urgent de combler cet écart de coût.
Comment les progrès de l'Europe se comparent-ils à ceux du reste du monde ?
D'autres régions avancent très rapidement et de manière décisive. La Chine, par exemple, est déjà le leader mondial en matière de déploiement, avec plus de 28 000 camions et bus à hydrogène sur les routes et des centaines de stations de ravitaillement en service depuis cette année. L'objectif déclaré est d'atteindre un million de véhicules d'ici à 2030. Il ne s'agit pas seulement de rattraper le retard ; il s'agit pour l'Europe de tirer parti de ses propres atouts pour s’imposer en leader d'une technologie vitale pour notre avenir industriel.
Pour créer cette dynamique, l'Alliance appelle à une "phase d'activation du marché". Qu'est-ce que cela ?
Cela implique une stratégie pragmatique et ciblée. Au cœur de cette approche, nous préconisons un soutien public efficace au déploiement des infrastructures de recharge, en s'inspirant de programmes réussis comme l'initiative SWiM aux Pays-Bas. Le principe est de développer simultanément des flottes de camions et les stations qui les approvisionnent sur des corridors clés. Cette méthode réduit les risques d'investissement et offre une trajectoire concrète pour atteindre les objectifs européens. Elle doit être complétée par d'autres incitations, comme l'exonération des péages routiers pour les véhicules zéro émission.
Ce pragmatisme s'applique aussi aux technologies : il faut être neutre et soutenir à la fois les véhicules à pile à combustible et les moteurs à combustion hydrogène pour accélérer le déploiement. Enfin, du côté de l'offre, bien que l'objectif soit un hydrogène 100 % décarboné, les exigences environnementales doivent être introduites progressivement pour laisser le temps à tout l'écosystème de s'adapter.
Quelle opportunité stratégique le développement d'une économie hydrogène représente-t-il pour l'Europe aujourd'hui ?
La vision à terme est un marché de la mobilité hydrogène compétitif et pérenne, qui renforce notre économie tout en préservant l'environnement. Chez Air Liquide, nous œuvrons déjà à la construction de cet avenir en investissant sur l'ensemble de la chaîne de valeur : de la production d'hydrogène bas-carbone à grande échelle, comme notre électrolyseur Normand’Hy, jusqu'aux infrastructures de distribution nécessaires pour l'acheminer aux clients finaux, raison d'être de TEAL Mobility, notre coentreprise avec TotalEnergies.
Nous avons une opportunité unique de tenir les engagements climatiques de l'Europe et de garantir sa sécurité énergétique pour l'avenir. Cette voie renforce simultanément notre compétitivité industrielle, créant une puissante synergie au service du progrès. Nous sommes prêts à unir nos forces avec les partenaires publics et privés pour faire de cette vision une réalité.
En savoir plus sur la Global Hydrogen Mobility Alliance
1. Alliance mondiale pour la mobilité hydrogène
2. Total Cost of Ownership (CO) : ensemble des coûts liés à l’achat et à l’utilisation d’un véhicule sur toute sa durée de vie